Rappel du caractère impératif des règles relatives aux procédures collectives : l’ingéniosité contractuelle face à ses limites

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Dans un arrêt du 22 janvier 2020 (Cass. Com., 22 janvier 2020, n° 18-21647), la Cour de cassation a rappelé le caractère d’ordre public des dispositions du Livre VI du Code de commerce face aux tentatives contractuelles d’échapper aux mécanismes propres aux procédures collectives.

Une société a contracté un emprunt le 27 juillet 2016 auprès de sa banque en lui concédant, en garantie, un nantissement sur tous les comptes bancaires ouverts auprès de cette banque.  Le 1er août 2017, cette société a été placée en redressement judiciaire.

En réaction, la banque, après avoir déclaré son passif à titre provisionnel auprès du mandataire judiciaire, a séquestré les sommes disponibles sur un sous-compte en s’opposant à la demande de l’administrateur judiciaire de procéder au virement de ces sommes sur le compte RJ ouvert auprès de la Banque DELUBAC. C’est dans ce contexte que la société a assigné, sur le fondement de l’article 873 du Code de procédure civile, la banque afin d’obtenir la levée du séquestre. Le juge des référés a fait droit à la demande de la société et ordonner la restitution des fonds par la banque qui a interjeté appel de cette décision.

Dans un arrêt du 21 juin 2018, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé et a enjoint la banque de libérer sous astreinte les sommes constituant les soldes créditeurs des comptes ouverts dans les livres au nom de la société en redressement judiciaire et d’exécuter les virements au profit de la Banque DELUBAC.

C’est dans ce contexte que la banque s’est pourvu en cassation au motif principal que le nantissement n’étant pas une modalité de paiement des dettes antérieures, c’est de bon droit qu’elle avait isolé les sommes appartenant à la société sous un sous compte en exécution de sa garantie contractuelle. A titre subsidiaire, ce mécanisme ayant été contractuellement prévu par les parties, la banque a considéré que les conditions de l’article 873 du Code de procédure civile n’étaient pas vérifiées.

Face à ces arguments, la Cour de cassation a rappelé le caractère d’ordre public attaché aux dispositions relatives aux procédures collectives en ces termes :

«  Mais attendu qu’après avoir énoncé que les règles relatives aux procédures collectives sont d’ordre public, que selon l’article 2887 du code civil, les dispositions relatives aux suretés ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en matière d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, et que l’article 2360 du même code concerne l’assiette de la garantie que pourra faire valoir le créancier dans le cadre de sa déclaration de créance, l’arrêt retient que la clause litigieuse, qui permet à l’organisme prêteur de « séquestrer » les fonds figurant sur les comptes de l’emprunteur, aboutit à l’autoriser, alors même qu’il n’existe aucune mensualité impayée ni même aucune créance exigible en raison du différé prévu pour les remboursements, à prélever sur les comptes une partie du capital prêté par voie de compensation et opère comme une résiliation unilatérale du contrat de prêt en contrariété avec les dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce ; que la cour d’appel en a exactement déduit que le blocage opéré par la Caisse aboutissait à vider de son sens « le potentiel » de la procédure de redressement judiciaire et qu’était justifiée l’intervention des juges des référés afin de prendre les mesures propres à faire cesser un trouble manifestement illicite et à prévenir un dommage imminent, ce dommage imminent n’étant autre que la liquidation judiciaire à venir en cas d’impossibilité pour l’entreprise de fonctionner faute de fonds disponibles (…) ».

Dans cet arrêt, la Cour rappelle à l’ordre en réaffirmant le caractère impératif des mécanismes propres aux procédures collectives (tels que la cessation des poursuites individuelles, la continuation des contrats en cours, l’interdiction des paiements des dettes antérieures) face aux tentatives contractuelles de les contourner.

Cet arrêt apporte par ailleurs une précision intéressante quant à la notion de « trouble manifestement illicite et du dommage imminent » qui, en matière de procédures collectives, se traduit, en application de cette jurisprudence, peut se traduire par l’impossibilité de la société de fonctionner et, ainsi, éviter la liquidation judiciaire.

Cette nouvelle précision facilitera le recours au juge des référés à chaque fois que la survie de la société pourrait être mise en danger par une tentative d’un créancier de détourner les règles propres aux procédures collectives au travers, notamment, de la mise en œuvre de clauses contractuelles inventives.

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